Los reyes del mundo
Laura MORA | Colombie | 110' | 2022
5 adolescents des rues de Medellín, sans famille, sans racines, ont entre les mains l’ancien acte de propriété d’un terrain hérité de sa grand-mère par l’un d’entre eux. Le gouvernement restitue les terres prises par les paramilitaires, alors les 5 copains, habités de rêves et de violence, entreprennent le voyage jusqu’au Bajo Cauca, cette terre promise où ils pourront construire leur propre royaume.
Projection jeudi 23 mars à 20h15 en présence de la réalisatrice
La réalisatrice
Laura MORA
Laura Mora est une réalisatrice et scénariste colombienne, diplômée de l’Université RMIT de Melbourne, en Australie. Son premier long métrage, Matar a Jesús, a été présenté à Toronto et à Saint Sébastien en 2017. Le film a été sélectionné dans plus de 30 festivals et a remporté plus de vingt prix. Los reyes del mundo est son deuxième long métrage : il a été récompensé par la Concha de Oro au festival de Saint Sébastien 2022 et de l’Abrazo du meilleur film au festival de Biarritz.
Pour aller plus loin...
La réalisatrice colombienne Laura Mora Ortega avait déjà marqué le Festival de San Sebastian, en 2017, avec Matar a Jesús, qui lui avait valu le Prix de la jeunesse. Elle y revient avec Los reyes del mundo [+], en compétition pour le Coquillage d’or. Il s’agit indéniablement d’un travail qui se démarque. Plus qu’un film, c’est un conte halluciné, aussi cruel et douloureux qu’infiniment beau. Rá, Culebro, Sere, Winny et Nano sont les « rois » (reyes) du titre. Il s’agit d’un groupe de gamins des rues de Medellín qui quittent la métropole pour s’enfoncer dans l’épaisse forêt colombienne. Leur objectif est de trouver des terres qui appartiennent à l’un d’eux par héritage. Sa grand-mère a dû les fuir à cause de la violence intense qui a ravagé l’endroit, et à présent, elles reviennent à ce garçon selon les termes du programme public de restitution des terres.
Ce groupe de cinq copains forme une famille singulière, unie par le mépris et l’abandon reçus du reste du monde et par la fureur de vivre qui incendie leurs corps et leurs âmes. Ces gamins évoluent comme des poissons dans l’eau dans les rues de Medellín, ils deviennent forts face à la réalité atroce qu’ils ont dû vivre, et entre eux, l’enthousiasme est contagieux. Dans leur fuite vers l’intérieur de la forêt, la caméra les suit attentivement et semble devenir elle aussi enfant, contaminée par les mêmes émotions que les jeunes garçons. Elle est trépidante et énergique quand les cinq amis laissent libre cours à leurs émotions les plus instinctives, tranquille quand le groupe se calme.
L’éclatante beauté de la forêt colombienne est rendue dans toute son essence. La lumière, le son et une utilisation subtile de la musique parviennent à créer une atmosphère dense qui nous transporte au coeur de ce lieu hallucinant, aussi radicalement magnifique que menaçant. Tout au long de leur parcours, les amis rencontrent différents personnages qui vont les aider à poursuivre leur route, mais toujours en les avertissant de la dangerosité de l’entreprise dans laquelle ils se sont lancés. Une rencontre que font les garçons est particulièrement émouvante : celle avec des prostituées, installées dans une maison au milieu de nulle part. Les femmes dansent en serrant tendrement dans leurs bras ces garçons, ces gamins, et ils profitent avec bonheur de cet amour féminin, de cette étreinte chaleureuse et voluptueuse, comme des nouveaux-nés sur le sein de leur mère.
Tout au long de Los reyes del mundo, on voit que son auteure sait de quoi elle parle, que le territoire qu’elle filme ne lui est pas étranger et que la réalité de ses personnages n’est pas excessivement lointaine de la sienne. À partir de cette prémisse honnête, Mora parvient à faire de l’or du travail des cinq garçons, auxquels il est impossible de ne pas s’attacher au fil du voyage. La même chose vaut pour le paysage et tous les autres êtres qui traversent le film. À la fin, reste la sensation d’avoir été en présence d’une œuvre importante, d’un portrait d’un lieu et d’un temps aussi exhaustif et précis que poétique et émouvant.
Source : https://cineuropa.org/fr/newsdetail/430997/
Utopie colombienne
Un chemin qu’ils entreprennent à la recherche d’une terre promise, où ils trouvent une nouvelle Colombie dans laquelle chacun est libre et égal. Il le dit très clairement lorsqu’il nous montre un bordel assez décadent dans lequel on apprécie un drapeau colombien rongé, comme symbole de ce sombre passé. Cependant, ce sont les trois protagonistes qui entrent dans cet espace, en quête de rédemption et pour cette raison, nous pouvons voir des femmes plus âgées, qui ont sûrement perdu leurs enfants à cause du trafic de drogue, et de jeunes adolescents, dansant ensemble comme s’ils étaient mère et fils, des mères qu’ils n’ont jamais eues et des enfants qu’ils ont perdus.
Embrassez le cheval blanc
Le symbolisme inonde l’écran de Los reyes del mundo. Nous commençons et terminons par des scènes symbolistes, et entre nous avons des séquences qui l’évoquent, mais ce qui est toujours présent est le cheval blanc pur, comme la vision que notre protagoniste a de sa grand-mère, qui accompagne les protagonistes. On commence d’abord dans la ville, avec une caméra très agressive qui fait sentir au spectateur la présence de l’excès et de la violence dans l’environnement, pour ensuite passer à une partie plus symbolique, réflexive et observationnelle à la campagne.
La structure n’a rien de nouveau, on l’a vu se répéter dans ce type de cinéma, on sait à tout moment ce qui va se passer et c’est quelque chose qui va à l’encontre du film, cependant, la mise en scène de Laura Mora Ortega est ce qui lui donne ça degré de valeur qui le rend si spécial. De plus, il prend la décision d’aller à son encontre et de raconter l’histoire à travers des personnages qui tentent de fuir la violence, et ne l’utilisent pas comme telle, comme on l’avait vu dans de nombreux films similaires.
Ce caractère réflexif est ce qui donne une touche d’intérêt à l’œuvre, qui comporte des moments si simples mais épiques, comme le bris d’ampoules de lampadaires, la rencontre au bordel ou l’accueil d’un homme que tout le monde réprouve. Des moments où Rá, Culebro, Sere, Winny et Nano s’arrêtent sur leur chemin, pour apprendre quelque chose de nouveau et continuer vers leur terre promise, où ils trouveront peut-être cette liberté à laquelle ils aspirent tant.
Laura Mora Ortega parvient à faire un film cohérent et créatif, malgré sa structure classique dans laquelle tout ce qui va se passer est prévisible du début à la fin. Cependant, la touche observationnelle, réflexive et symbolique de l’œuvre offre un degré d’intérêt exceptionnel. Il convient de mentionner qu’au sein de ce symbolisme, nous pouvons également trouver des relations excessivement évidentes, mais en général, elles sont très bien intégrées et assez évocatrices.
Los reyes del mundo a des scènes qui resteront gravées dans la rétine du spectateur épris d’un cinéma réflexif, qui parvient à casser tous les schémas. Un travail qui représente cette recherche de liberté que nous faisons tous quand nous sommes jeunes, mais que, peut-être, nous oublions en cours de route. Un chant à l’égalité de tous qui naît avec l’annonce ; »Tous les hommes seront égaux » , dans le futur ou au paradis, qui sait ce que cette amère existence nous apportera.
Source : https://cinemagavia.es/los-reyes-del-mundo-pelicula-critica-70ssiff/